Le sable et les souvenirs { PV Renai }

En se levant ce matin-là, Renai avait enfin pris sa décision. Alors qu'elle regardait le soleil se lever sur le village encore endormi de Suna, elle tentait de se demander ce qui pourrait encore la retenir ici. Par la fenêtre du petit appartement que ses parents lui laissaient pour ne pas qu'elle se mêle à eux, elle voyait les premiers rayons venir caresser les dunes de sable qui s'étendaient plus loin avant de venir frôler les premières maisons. La légère brume nocturne s'effaçait alors, les ténèbres disparaissaient et le jour reprenait sa place. Le soleil continuerait sa course jusqu'à atteindre son point le plus haut avant de redescendre pour finir par atteindre de nouveau l'horizon et faire place à l'obscurité jusqu'au lendemain. Renai était consciente en cet instant qu'il s'agissait là de la dernière fois où elle voyait le soleil se lever sur Suna. Demain, elle ne serait plus là. Observant le village qui fut le sien depuis sa naissance, elle ressentit un léger pincement au coeur. Tout avait été pourtant si bien avant. Avant ça ...

Elle aurait pu être heureuse ici. Elle aurait pu. Mais personne ne se souçiait d'elle alors pourquoi resterait-elle ? Ses parents eux-mêmes ne souhaitaient qu'une chose : qu'elle disparaisse. Bien que son beau-père était pourtant parfois attentionné avec elle, elle sentait qu'il ne le faisait pas de bon coeur. Sa mère, quand à elle, tentait de l'ignorer au possible, ne voulant pas assumer le fait qu'elle avait mis un monstre au monde. Et bien entendu, la tare de la jeune demoiselle était retombée sur les épaules du père biologique de Renai qu'elle ne connaissait même pas et qu'elle ne connaîtrait sans doute jamais. Si elle était devenue ainsi, c'était de sa faute à lui.

Ne disait-on pas que les absents avaient toujours tort ? De toute façon, c'était tellement plus facile de le choisir comme coupable. Tout le monde pouvait s'en laver les mains et Renai avait quelqu'un contre qui elle pouvait être en colère. Mais ça ne fonctionnait pas comme ça. Comment pouvait-elle être en colère contre quelqu'un qu'elle n'avait jamais vu ?

Détachant ses yeux noirs de la vue que lui offrait son petit appartement en hauteur, elle se dirigea vers son lit pour prendre ses vêtements. Rapidement, elle se vêtit, attrapa sa besace de cuir dans laquelle elle avait glissé quelques affaires, notamment des gants de rechange, une large étole pour masquer son visage au besoin et de l'eau. Elle n'avait besoin de rien d'autre. Elle partait et tenterait de commencer une nouvelle vie ailleurs. Pourquoi pas à Ame ? D'après ce qu'elle en savait, c'était un pays frontalier avec le pays du vent. Elle pourrait y être rapidement si elle ne finissait pas morte dans le désert.

Sans un regard en arrière, elle quitta ce qui fut son chez-elle ces dernières années et passa par l'escalier de pierre extérieur. Se situant au dessus du restaurant que tenaient ses parents, elle n'avait pas le droit de passer par l'intérieur. Elle n'avait jamais ciller et passait toujours par l'extérieur.
Sortir du village serait aisé. Très souvent, elle passait les remparts pour aller marcher un peu dans le désert le soir venu. Elle esquissa un sourire amère en songeant que de toute façon, la plupart des habitants de Suna souhaiteraient qu'elle ne revienne plus. Pour une fois, elle pourrait les exaucer.

Arrivée dans une des nombreuses ruelles que comptait le village de Suna, elle se passa sa besace en bandoulière et remonta ses gants correctement avant de réajuster sa pèlerine. Elle leva la large capuche et la rabattit sur sa tête, ne masquant pas son visage. Le marché de Suna se mettait doucement en place et les premiers chalands étaient déjà sur place à écumer les bonnes affaires. Plus on venait tôt, plus on avait des chances de s'en sortir avec de bons prix.

Pourtant, Renai ne cilla pas. Elle se mit en marche, tentant de se faire la plus discrète possible, ne regardant pas les gens qu'elle croisait, ne regardant que le chemin qui s'ouvrait devant elle. Elle allait traverser le village, passerait les remparts et partirait. Elle avait enfin trouver le courage de fuir.

Une violente douleur dans le dos la stoppa dans sa marche. Surprise, ses yeux s'étaient écarquillés et son corps s'était légèrement cambré sous la douleur. Son coeur se mit à battre fort dans sa poitrine alors qu'elle saisissait ce qui allait suivre. Ce n'était pas la première fois. Pourtant, elle ne voulut pas y prendre gare et tenta de reprendre sa marche mais une seconde salve dans les jambes la firent fléchir et elle se laissa tomber à genoux dans le sable.

La Femme :
- Que fais tu dans notre quartier ?! Ne nous apportes pas ton malheur, vas t'en !

Alors qu'elle cherchait à esquiver les pierres. Un marchand stoppa net les intentions hostiles de ses trois personnes à l'encontre de la jeune fille. Agé d'une trentaine d'années, et originaire de pays de l'eau, l'homme cherchait à raisonner les deux hommes et la femme en question.

Le Marchand :
- Mais que faites-vous ? Arrêtez ... Assez, voyons. On ne se comporte pas ainsi envers une jeune femme.
Un Homme :
- Tu n'es pas d'ici étranger. Nous avons nos raisons de nous comporter ainsi envers elle.
Le Marchand :
- Peu importe, ne lui jetez plus de pierres en public ! C'est d'une bestialité, qu'as telle fait ?
La Femme :
- C'est un monstre !

Un monstre .... Renai se recroquevilla sur elle-même. Elle savait. C'était un mauvais moment à passer. S'ils se lassaient vite, elle serait capable sans doute de reprendre sa route sans trop de casses. Elle tenta malgré tout de se protéger le visage pour qu'il ne soit pas blessé davantage. Alors qu'elle attendait le prochain coup, elle eut la surprise de ne rien sentir venir. Le marchand qui était intervenu avait-il réussi à les contenir ? Jetant un regard prudent mais effrayé dans leur direction, elle vit un filet de sable faire barrage. Surprise, elle releva la tête et aperçut ce garçon aux cheveux roux auprès d'elle.

Gaara :
- Il a dit " Ne lui jetez plus de pierres ".
Un Homme :
- Kaze-sama ?!

Renai détourna les yeux, se préoccupant de savoir si elle était entière. Elle avait mal. Cette sale *** de bonne-femme ne l'avait pas râtée. La foule se dispersa et la petite demoiselle perçut une ombre au dessus d'elle.

Gaara :
- Ca va aller, Mademoiselle ?

Un peu trop brutalement peut-être, Renai s'écarta, toujours au sol, tremblante, avant de rabattre sa capuche qui avait glissée sur sa tête, ombrant ainsi son délicat visage. Personne ne devait la toucher. Personne. Voilà pourquoi elle voulait quitter cet endroit. Pour ne plus subir les jets de pierre, les insultes, les méchancetés et aussi l'ignorance des gens. Le fait qu'un marchand ait pris sa défense et que ce garçon soit intervenu ne changeraient en rien sa décision. Elle partait. C'était net et définitif.

Prenant appui sur le mur derrière elle, elle se remit courageusement sur ses pieds avant de s'en détacher doucement, prudente, vérifiant si elle tenait sur ses jambes. Elle ne se rendit pas compte tout de suite qu'une légère tâche brune s'était formée sur son vêtement, du côté du flanc droit, signe apparent d'une blessure sans doute dûe à une pierre. Ignorant Gaara, elle tenta de s'éloigner, chancelante, avant de s'appuyer contre le mur à ses côtés, douloureuse. Elle s'y appuya et se laissa glisser contre pour s'asseoir sur le sol, tournant son regard noir vers Gaara, un instant, avant de détourner le visage et de regarder vers le ciel, résignée.

" Ce sera pour demain, alors .... " murmura-t-elle pour elle-même.

En le sentant s'approcher, Renai leva les yeux pour le regarder à nouveau. C'était donc lui, le Kage du village ? A vrai dire, elle ne l'avait jamais réellement vu. En tout cas, plus depuis qu'elle avait cette étrange faculté à ne plus pouvoir approcher les gens qui l'entouraient. Elle avait un vague souvenir qui datait de sa petite enfance mais tout était bien flou. Sans doute étaient-ce ses cheveux à cette couleur si particulière qui lui faisaient remonter des souvenirs auxquels elle ne pensait plus. Néanmoins, tout cela n'était pas important. Rien n'était important dans ce maudit village. Rien ne le serait jamais. Ainsi l'avait-elle décidé et ainsi les choses seraient. Rien ne changerait et ce n'était pas le ton froid et impersonnel de Gaara qui allait faire changer d'avis Renai.

Gaara :
- Si tu veux te débrouiller toute seule, libre toi. Sinon suis-moi, si tu veux que cette blessure ne s'infecte pas.

Elle aurait volontiers souri amèrement si elle en avait eu l'envie. C'était tellement pathétique d'agir ainsi car il avait été témoin de la scène. Kage. Si jeune. Et pourtant, il n'avait jamais réellement pris le temps de s'intéresser aux gens qui vivaient dans le village qu'il était sensé protéger. Alors pourquoi devrait-elle lui accorder le moindre crédit et mettre sa vie entre ses mains ?

Il se détourna d'elle et lui tourna le dos. Elle l'observa un instant avant de détourner les yeux également. Le soleil se levait de plus en plus. La chaleur allait descendre sur le village et bientôt rester en plein soleil serait gênant. Elle partirait plus tard. Cette nuit ? Demain ? Elle qui avait enfin toruver le courage de fuir se retrouvait au point de départ. Trouver la force de partir loin de ce village. C'en était consternant. Vraiment.

" Je n'ai besoin de personne ... Jamais... " répondit-elle sans vraiment s'adresser à Gaara. Difficilement, elle prit appui sur le sol et se hissa le long du mur pour se remettre debout. Elle n'avait besoin de personne car elle avait dû apprendre à se débrouiller seule. Personne ne l'avait plus aidé depuis l'âge de douze ans. Cinq longues années à se débrouiller par ses propres moyens, sans pouvoir demander quoique ce soit à qui que ce soit. C'était bien trop tard pour lui proposer une quelconque aide. Surtout qu'à l'écoute du ton qu'avait utilisé ce garçon, il ne mourrait pas d'envie de lui donner un coup de main. Elle n'avait pas besoin de lui.

Renai se décolla du mur et, après s'être assurée qu'elle tenait debout, elle s'éloigna à pas lents dans le sens opposé à Gaara, lui tournant le dos. Elle ne pouvait pas faire confiance. A personne. Elle se soignerait seule. Elle s'était toujours soignée seule. Elle regagna son appartement et se laissa tomber sur son lit, dépitée. Elle tourna la tête vers la fenêtre pour observer le soleil monter doucement.

Bientôt .... Encore un peu de courage et bientôt, elle pourrait fuir .... Elle se répéta ces paroles de longues minutes et se mit en quête de soigner la blessure qu'elle avait sur le flanc droit. Ce n'était pas grand chose mais sur le coup, ça avait été douloureux. Cette blessure ajoutée aux douleurs des jets de pierre, ça l'avait déstabilisée et à moitié assommé. Mais là, ça irait... et peut-être même pourrait-elle fuir dès cette nuit ...